SOLS - Biodynamique des sols

SOLS - Biodynamique des sols
SOLS - Biodynamique des sols

Les sols se forment dans la zone d’interface lithosphère-atmosphère où se développent les organismes vivants de la biosphère. La biodynamique des sols étudie les transformations liées à l’activité des organismes vivants (flore, microflore, faune) et à la présence de matière organique qui apporte à l’écosystème matière et énergie.

Une partie de l’énergie solaire qui atteint la surface de la terre est captée par les végétaux et transformée, grâce à l’assimilation chlorophyllienne, en biomasse végétale. Le flux solaire qui arrive dans la haute stratosphère représente une énergie moyenne de 2 calories par centimètre carré et par minute. 10 p. 100 environ de cette énergie est utilisée par les plantes, et cela avec un rendement moyen de l’ordre de 10 p. 100. Au total, c’est donc 1 p. 100 environ de l’énergie solaire arrivant dans la haute stratosphère qui est utilisée pour fabriquer de la biomasse végétale.

Une partie de cette énergie va être incorporée au sol sous forme de feuilles et de racines mortes et va constituer un apport énergétique dont l’utilisation a des conséquences importantes sur les transformations de surface de la lithosphère et la pédogenèse. Cet apport de matière et d’énergie va être utilisé par les organismes du sol pour fabriquer de la biomasse et élaborer une matière nouvelle très réactive: la matière organique des sols (cf. HUMUS).

Apports de matière organique végétale au sol

Les végétaux apportent de la matière organique au sol. Dans les milieux cultivés, il s’agit des résidus de récolte et des racines mortes; dans les écosystèmes forestiers, il s’agit d’apports issus des parties aériennes (épigées ) et souterraines (endogées ). Les apports épigés correspondent, d’une part, aux pluviolessivats entraînés par les eaux de pluie qui amènent au sol plusieurs centaines de kilos de matière organique par hectare et par an et plusieurs dizaines de kilos d’azote et de cations (Na, K, Ca, Mg) et, d’autre part, aux retombées de feuilles et de débris divers (fleurs, fruits, écailles de bourgeons, écorce, etc.) qui représentent sous climat tempéré de l’ordre de 4 tonnes par hectare et par an, sous climat boréal 1 tonne par hectare et par an et de l’ordre de 10 à 15 tonnes par hectare et par an sous climat tropical, soit en moyenne entre 2 et 8 p. 100 de la biomasse totale. Les apports hypogés correspondent, d’une part, aux excrétions des racines dans le sol (excrétions rhizosphériques), spécifiques de chaque espèce de plante, qui amènent au sol plusieurs centaines de kilos par hectare et par an, de nature surtout polysaccharidique et, d’autre part, aux racines mortes qui apportent au sol de l’ordre de 4 à 6 tonnes par hectare et par an en climat tempéré.

Ces apports d’origine foliaire ou racinaire sont constitués pour l’essentiel de cellules mortes ayant subi le phénomène de sénescence. Au cours de ce phénomène, il s’est produit un mélange entre des composés d’origine polyphénolique, polysaccharidique et protéique au sein même des cellules, avec apparition de produits de couleur brune de type tanins-protéines. Ces pigments bruns sont des composés très stables, difficiles à dégrader, dans lesquels se trouve fixé l’essentiel de l’azote des feuilles et des racines. Sans ce phénomène de tannage, qui correspond au brunissement des feuilles et qui a lieu sur l’arbre en automne pour la plupart des feuillus des régions tempérées, l’azote des feuilles aurait été rapidement minéralisé, entraîné par les eaux de pluies en période automnale ou hivernale d’inactivité racinaire, et perdu pour l’écosystème. Au total, les pigments bruns des feuilles représentent environ un quart du poids des feuilles, mais surtout renferment 70 p. 100 de l’azote des feuilles ou des racines. Cellulose et lignine forment une part importante des retombées foliaires ou des apports racinaires, respectivement 50 p. 100 et 10 p. 100 en poids, mais ces produits sont dépourvus d’azote.

Organismes transformateurs

Il s’agit des bactéries, des champignons et de la faune du sol. La plupart de ces organismes sont capables de transformer les produits simples, sucres par exemple, présents dans les feuilles mortes; seuls quelques organismes peuvent, par leur système enzymatique, dégrader des produits comme la lignine ou les pigments bruns. Cela permet de distinguer les organismes que l’on peut qualifier d’“efficaces” vis-à-vis de la biodégradation des composés les plus stables de ceux qui sont des consommateurs de molécules simples et, pour la faune du sol, surtout des fragmenteurs.

Les bactéries sont très abondantes dans les sols (cf. SOLS - Microbiologie), de l’ordre de 106 à 109 par gramme de sol, et leur diversité spécifique est très grande; seulement 10 p. 100 environ des espèces sont connues. Les bactéries du sol couvrent toute sorte d’activités, certaines sont capables de transformer la cellulose, d’autres la lignine, d’autres les pectines, d’autres, dites du cycle de l’azote, peuvent transformer les protéines en ammoniaque, d’autres l’ammoniaque en nitrites et d’autres les nitrites en nitrates; mais, en milieu tempéré, il ne semble pas, d’après les observations faites en microscopie électronique, que les bactéries aient une forte activité de transformation vis-à-vis des pigments bruns azotés. Les activités bactériennes sont particulièrement fortes dans le sol au niveau de microsites à fort potentiel énergétique comme la rhizosphère , zone influencée par la présence de racines vivantes dont les exsudats polysaccharidiques créent un appel trophique de bactéries spécifiques (cortège rhizosphérique), ou la drilosphère , zone influencée par l’activité des vers de terre, ou la termitosphère .

Les champignons peuvent avoir un rôle important dans la transformation du matériel végétal. Parmi les champignons supérieurs (basidiomycètes), si l’on ne connaît pas bien le rôle des champignons mycorhiziens, champignons symbiotiques associés aux racines des plantes, dans ces phénomènes de biodégradation, on connaît beaucoup mieux celui des champignons saprophytes dits de la pourriture blanche qui ont des activités enzymatiques capables de dégrader la cellulose, la lignine et les pigments bruns. Ces champignons, dont beaucoup appartiennent à l’ordre des agaricales tels que Clitocybe nebularis , Collybia butyracea ou Marasmius peronatus dégradent les pigments bruns et provoquent la décoloration des feuilles et le recyclage de l’azote “bloqué” dans ces produits de couleur brune.

En ce qui concerne la faune, les nombreux organismes qui interviennent dans le sol et les litières sont surtout des organismes fragmenteurs et des consommateurs de bactéries, de champignons et de produits tels que les polysaccharides présents dans les tissus végétaux morts. C’est le cas de la plupart des acariens oribates, des larves de diptères, des diplopodes, des collemboles et des enchytréides, dont les capacités de fragmentation du matériel consommé peuvent multiplier les surfaces initiales par 10, 100 ou 1 000. De tout autre nature sont les activités des vers de terre dits anéciques , vers de terre qui vivent dans le sol et se nourrissent des feuilles tombées sur le sol. Ces vers de terre peuvent, par leur système enzymatique, transformer directement les pigments bruns et récupérer une partie de l’azote pour fabriquer de la biomasse lombricienne. L’ensemble de tous ces représentants de la faune du sol se partagent les ressources trophiques et vivent en interrelations étroites, les déjections des uns pouvant être reprises et consommées par d’autres qui y trouvent des ressources alimentaires.

Au total, parmi tous ces organismes dont les activités saisonnières sont souvent très contrastées et qui présentent des pics d’activité à des périodes bien spécifiques, seuls les champignons de la pourriture blanche et les vers de terre anéciques sont capables de dégrader les pigments bruns foliaires et racinaires et de récupérer l’azote fixé dans ces produits.

Transformations des matières organiques végétales dans les sols

Pertes de poids des feuilles

Les feuilles qui tombent sur le sol se transforment au cours du temps et subissent une perte de poids. L’évolution du poids d’une feuille sur le terrain en fonction du temps a été suivie par de nombreux auteurs; elle peut être assimilée à une fonction exponentielle de type:

Xt = X 0e—ht

Xt est le poids sec de la feuille à l’instant t , X 0 est le poids sec de la feuille au moment de sa chute sur le sol, h étant une constante de décomposition dite coefficient d’Olson, la perte de poids (X 0Xt ) à l’instant t étant donnée par l’expression X 0 (1 — eht ).Cette évolution exponentielle des pertes de poids est celle que l’on rencontre dans les stations où il reste beaucoup de feuilles sur le sol. Dans les stations où existe une activité importante d’organismes efficaces vis-à-vis de la disparition des feuilles comme les vers de terre ou les champignons de la pourriture blanche, l’évolution des pertes de poids suit au début une évolution exponentielle brusquement relayée au bout de quelques mois par une évolution rapide de type linéaire (Toutain, 1987).

Évolution des litières

La litière correspond à la couche superficielle de l’humus, l’humus désignant l’ensemble des couches qui, dans le sol, contiennent de la matière organique. Cette couche holorganique (entièrement organique), présente dans les sols à végétation permanente et en particulier sous forêt, est constituée de feuilles, de débris de feuilles ou de tissus foliaires reconnaissables dans les boulettes fécales (excréments) des petits animaux du sol. Dans les litières forestières, des sous-couches ont été distinguées: sous-couche OL , constituée de feuilles ou de débris foliaires peu modifiés; sous-couche OF , constituée de feuilles entières ou fragmentées mélangées à une certaine proportion (de 10 à 70 p. 100) de matière organique fine de type boulettes fécales d’enchytréides ou de microarthropodes; sous-couche OH , constituée d’une grande quantité de matière organique fine (face=F0019 礪 70 p. 100) d’origine boulettes fécales. Selon la vitesse de disparition des feuilles, certains humus forestiers ne présenteront qu’une sous-couche OL, d’autres les sous-couches OL + OF + OH. Jenny et ses collaborateurs (1949) ont proposé un coefficient K (dit de Jenny) qui rend compte de l’importance des retombées annuelles par rapport au stock de litière en place:

K = 100 A/A + L

dans lequel A représente les retombées annuelles en poids par unité de surface et L la litière permanente en poids par unité de surface.Lorsque les feuilles disparaissent en moins d’un an, K peut atteindre une valeur de 100; lorsque les litières (sous-couches OL + OF + OH) persistent longtemps sur le sol, K peut prendre des valeurs très faibles, de quelques unités (dans les sols très acides ou dans les sols des régions froides). Delecour (1977) a montré qu’il existait une bonne corrélation entre ce coefficient K et la productivité forestière dans les Ardennes belges.

Types de matières organiques formées

Sous l’action des différents organismes et des activités biologiques dont il vient d’être question, les différentes matières organiques d’origine végétale incorporées au sol (feuilles et racines notamment) vont subir deux grandes sortes de transformation (cf. HUMUS):

– une minéralisation du matériel organique (minéralisation primaire) aboutissant à la formation de C2, NH4+, 3, S42—, P43— et à la libération dans le milieu d’ions assimilables par les racines des plantes comme K+, Na+, Ca2+, Mg2+, etc.;

– une humification, c’est-à-dire une transformation des molécules initiales par réorganisation et polymérisation, aboutissant à la formation d’une matière organique spécifique (acides fulviques, acides humiques, humines) qui sera elle-même l’objet d’une minéralisation (minéralisation dite secondaire) au bout d’un temps moyen (dit temps moyen de résidence) plus ou moins long.

La matière organique humifiée des sols peut avoir plusieurs origines différentes:

matière organique héritée , proche de la matière organique fraîche; il s’agit surtout de matière organique ayant transité dans le tube digestif des petits animaux du sol (boulettes fécales dans lesquelles lignine et pigments bruns n’ont été que peu transformés) et qui ne présente qu’une faible capacité d’échange;

matière organique d’origine microbienne constituée de parois bactériennes ou fongiques et de biomolécules;

matière organique du complexe argilo-humique dans laquelle les liaisons matière organique-matière minérale sont très fortes et qui peut avoir deux origines: soit être passée par la voie soluble et s’être adsorbée sur les argiles ou les oxy-hydroxydes de fer ou d’aluminium (matière organique d’insolubilisation), soit avoir subi des transformations au cours du passage dans le tube digestif de certains animaux comme les vers de terre anéciques avec apparition de granules de quelques nanomètres qui se fixent immédiatement sur les argiles ou les oxy-hydroxydes de fer ou d’aluminium (matière organo-argillique ).

Matière organique d’insolubilisation, matière organo-argillique et matière organique d’origine microbienne sont des matières organiques très réactives, à forte capacité d’échange et qui ont de ce fait un rôle important dans l’élaboration des structures et de la porosité (cf. PÉDOLOGIE).

Rôle de la matière organique dans les sols

La présence de matière organique dans les sols a des conséquences multiples sur la pédogenèse et le fonctionnement des sols.

La matière organique constitue pour le sol un apport énergétique et un apport d’éléments biogènes nécessaires à l’activité d’un grand nombre d’organismes (flore, microflore et faune du sol). C, N, H et O entrent dans la constitution de la matière organique des sols ainsi que de nombreux cations tels que K, Na, Ca, Mg et Mn initialement présents dans les matériaux végétaux d’origine ou fixés sur les sites réactionnels d’échange de cette matière organique.

La matière organique des sols est un produit colloïdal réactionnel chargé négativement qui peut fixer des cations. La capacité d’échange des matières organiques dépend de leur nature, elle peut être d’une centaine de milliéquivalents pour 100 grammes en ce qui concerne les matières organiques les moins réactives (matière organique héritée) et de plusieurs centaines de milliéquivalents pour 100 grammes en ce qui concerne les matières les plus réactives (matière organique d’insolubilisation ou matière organique dite organo-argillique). Ces dernières peuvent s’associer avec les minéraux phylliteux (argiles) par l’intermédiaire d’un pont de fer (Fe) et former un ensemble doublement réactif: le complexe argilo-humique.

En milieu acide, la matière organique hydrosoluble issue des litières (percolats de litière) peut, s’il y a une faible quantité d’argile dans le sol, traverser les horizons organo-minéraux, altérer le peu d’argile qui s’y trouve, entraîner des éléments comme Fe, Si et Al et provoquer une redistribution de ces éléments en profondeur (phénomène de podzolisation). Par contre, lorsque la quantité d’argile est importante, cette matière organique hydrosoluble, acide et agressive, peut s’insolubiliser dans le sol dès les premiers centimètres, former un complexe argilo-humique (brunification) et mettre à la disposition des racines les cations entraînés.

En milieu calcaire, la matière organique hydrosoluble issue des litières s’insolubilise immédiatement au contact du carbonate de calcium sous forme de fulvates et d’humates de calcium qui sont peu à peu minéralisés par la microflore bactérienne en donnant du dioxyde de carbone (CO2). Le C2 au contact du carbonate de calcium donne du (CO3H)2Ca, bicarbonate de calcium, qui, soluble, est entraîné en profondeur et précipite, à la suite des variations des conditions pédoclimatiques, sous forme de C3Ca. La présence de matière organique dans les sols calcaires induit donc des phénomènes de décarbonatation des horizons de surface dans les sols forestiers.

La matière organique joue un rôle important dans l’élaboration de la structure, de la porosité et donc dans la circulation de l’air et de l’eau des horizons de surface des sols. Elle assure un rôle de ciment entre les constituants minéraux (argile, limon, sable). Les exsudats rhizosphériques des plantes et les mucus intestinaux des vers de terre, de nature polysaccharidique, participent à l’élaboration de la structure et favorisent l’agrégation des horizons de surface (biostructures).

Principaux types d’humus

La morphologie des humus varie selon le milieu dans lequel ils se développent: dans les milieux forestiers, les humus sont constitués de couches de litière superposées à des horizons organo-minéraux A1; dans les milieux cultivés ou les milieux herbacés, les humus correspondent uniquement aux horizons organo-minéraux A1. Les litières étant absentes ou quasi inexistantes, l’essentiel des apports de matière organique est d’origine racinaire.

En ce qui concerne les humus forestiers, trois grands types peuvent être distingués:

– les humus de type mull dans lesquels se manifestent des activités d’organismes efficaces vis-à-vis de la biodégradation des pigments bruns tels que vers de terre anéciques ou champignons de la pourriture blanche et qui, de ce fait, sont caractérisés par une discontinuité brutale entre les feuilles entières et l’horizon A1, horizon constitué d’une matière organique fortement liée à la matière minérale (complexe argilo-humique) et présentant une structure bien marquée;

– les humus de type moder , caractérisés par un passage progressif entre la litière présentant des sous-couches OL, OF et OH de 1 à plusieurs centimètres et l’horizon A1 (l’horizon A1 étant constitué d’une matière organique peu transformée, de type boulettes fécales d’enchytréides et de microarthropodes);

– enfin, les humus de type mor , caractérisés par la présence de sous-couches OL, OF, OH épaisses et l’existence d’une discontinuité nette entre OH et A1, la matière organique présente en faible quantité dans l’horizon A1 correspondant à un flux permanent de matière organique hydrosoluble.

En ce qui concerne les humus des sols cultivés ou des milieux herbacés, leur caractérisation ne peut se faire que sur l’horizon A1. Seront appelés mull les humus à horizon A1 bien structuré (biomacrostructuré) et à matière organique très liée aux minéraux argileux avec une forte activité des vers de terre. Seront définis comme moder les humus à matière organique juxtaposée à des grains minéraux (boulettes fécales d’enchytréides et de microarthropodes).

Cycles biogéochimiques dans les sols

Définition

L’altération physico-chimique des roches libère des éléments qui, entraînés par les eaux hors du bassin versant dans les lacs ou dans la mer, vont entrer dans la constitution de roches sédimentaires; ces roches sédimentaires, à une autre époque géologique, pourront être reprises par l’altération. De tels éléments sont donc soumis à des cycles géochimiques . Sous végétation forestière, une partie des éléments libérés par altération peut être absorbée par les racines des plantes, transférée dans les feuilles et retomber sur le sol (cycles biologiques ) assurant au sol une recharge en éléments nutritifs par le haut. Ces cycles biologiques de courte durée se greffent en quelque sorte sur des cycles géochimiques de beaucoup plus longue durée, et l’ensemble est désigné sous le nom de cycles biogéochimiques (Ovington, 1962).

Mobilisation biologique et mobilisation chimique

L’eau de pluie qui tombe sur des feuilles tombées au sol entraîne avec elle une matière organique hydrosoluble qui contient des cations, du carbone et de l’azote. Lorsque ces percolats de litière pénètrent dans le sol, deux types d’évolution sont possibles: ou ces percolats, étant donné leur concentration, cèdent des éléments aux horizons de surface du sol et s’appauvrissent donc en migrant en profondeur, il y aura alors “mobilisation biologique” de l’élément (Juste, 1965); ou ces percolats, au contact d’horizons plus riches, s’enrichissent en cet élément en migrant dans le sol, et il y aura “mobilisation chimique” de cet élément dans le sol.

Activités biologiques et cycles biogéochimiques

L’activité biologique dans les sols peut se manifester par des phénomènes d’altération et de concentration sélective. Les micro-organismes du sol peuvent intervenir en effet dans l’altération des minéraux par production d’acides et de substances complexantes provoquant des phénomènes de solubilisation. Par ailleurs, il est bien connu que les organismes vivants peuvent, dans un milieu donné, prélever de façon sélective différents éléments. Le rôle des racines dans ce choix sélectif est étudié depuis longtemps. Il en est de même de nombreux organismes et micro-organismes tels que les champignons qui concentrent dans leurs parois des métaux comme le plomb et l’uranium. Des mesures de concentration de calcium faites par exemple dans une hêtraie de l’est de la France établie sur un podzol à moder sur grès rhétien montrent que la roche mère contient moins de 1 p. 1 000 de calcium, les feuilles de l’ordre de 1 p. 100 et les cristaux d’oxalate de calcium qui entourent les filaments de champignons présents dans les litières plus de 30 p. 100 de calcium. Ces concentrations d’origine biologique ont de nombreuses applications dans des procédés biotechnologiques pour lutter contre la pollution des sols ou au contraire pour favoriser la bioconcentration de minerais. Enfin, l’activité des organismes du sol dans les horizons de surface permet d’expliquer la formation de “sols analogues” (Pallmann, 1967) sur des roches mères très différentes. Dans les milieux calcaires, l’installation de la forêt provoque, grâce à l’activité minéralisatrice des bactéries vis-à-vis de la matière organique, des phénomènes de décarbonatation qui se matérialisent par l’existence, à partir d’un matériel originel saturé en calcium, d’un horizon A1 à taux de saturation (cf. PÉDOLOGIE) de l’ordre de 50 à 60 p. 100. Dans certains sols acides à forte activité de vers de terre, la mobilisation biologique du calcium permet la formation, à partir d’un matériel initial fortement désaturé, d’un horizon A1 à taux de saturation lui aussi de 50 à 60 p. 100. On constate donc que, dans ces deux milieux issus de roches mères très différentes, l’installation de la végétation a provoqué une convergence des horizons de surface et l’installation d’horizons très favorables à la germination des graines et à l’alimentation des jeunes semis.

Fonctionnement biodynamique des sols et des humus

Les conséquences de l’apport énergétique constitué par les débris végétaux qui tombent sur le sol varient avec les conditions de milieu. C’est ainsi que, en milieu tempéré et sur roche mère riche en minéraux phylliteux et en fer, cet apport énergétique va permettre aux organismes efficaces du sol comme les vers de terre et les champignons de la pourriture blanche d’assurer un recyclage très rapide de l’azote et des éléments liés aux pigments bruns (en un ou deux ans) avec formation d’un mull. Finalement, cet apport énergétique va se matérialiser par la formation d’une matière organique d’insolubilisation ou d’une matière organique de type organo-argillique, toutes deux très réactives et structurantes. L’ensemble des éléments “libérés” au moment utile pour les racines des arbres au niveau de microsites actifs sont rapidement recyclés et il n’y a que peu de pertes pour l’écosystème. Les plantes et les arbres bénéficieront d’une bonne nutrition, surtout au printemps, et la productivité sera forte.

Sur roches pauvres (sables ou grès), les conditions de vie des organismes humificateurs efficaces sont mauvaises (faible taux d’argile et de fer, matériel végétal acide, etc.). Ne persisteront dans le milieu que des animaux peu exigeants comme les enchytréides ou les microarthropodes qui vont accumuler leurs boulettes fécales au sein des sous-couches OF et OH, et cela pour plusieurs dizaines d’années, avec formation d’un humus de type moder ou mor. Chaque fois que ces couches holorganiques seront traversées par un flux d’eau (pluie), elles libéreront une certaine quantité de matière organique acide et agressive qui pénétrera dans le sol et altérera les horizons sous-jacents, et cela pendant toute la période pluvieuse. Il y aura dans ce milieu beaucoup d’éléments qui seront entraînés en profondeur et qui seront perdus pour l’écosystème (surtout en hiver). L’énergie apportée par les débris végétaux est finalement utilisée pour altérer les horizons de surface qui vont s’appauvrir de plus en plus et aller jusqu’au terme ultime de formation d’un podzol. Les peuplements mal alimentés auront une faible productivité.

Le fonctionnement biodynamique des sols et des humus est donc lié aux conditions du milieu, et cela avec une “dépendance” dont l’importance varie avec le facteur du milieu considéré: elle est très forte avec les conditions climatiques (facteur de premier ordre), elle peut dépendre des caractéristiques de la roche mère (facteur de deuxième ordre) et, pour une moindre part, de la nature des retombées végétales (facteur de troisième ordre). C’est ainsi que dans les zones bioclimatiques intertropicales chaudes et humides presque tous les humus sont de type mull; dans les milieux boréaux et alpins froids, les humus sont surtout de type moder et mor. Dans les zones tempérées, les humus sont beaucoup plus variés: sur roche mère riche en argile, l’activité des vers de terre sera forte et les humus seront de type mull; sur roche mère pauvre en minéraux phylliteux, on trouvera des moder, surtout si la qualité du matériel végétal de la station est défavorable (callune, myrtille, certains résineux). Dans ces milieux, le gestionnaire pourra, pour améliorer le fonctionnement biodynamique du sol et la productivité de la station, intervenir de différentes façons: par le travail mécanique du sol, par des apports d’éléments minéraux ou organiques (Toutain et al., 1987; Bonneau, 1995) ou par le mode de gestion (jachère, futaie régulière, futaie irrégulière et mélangée).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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